Le concept du master Design-Innovation-Société (DIS), inauguré en 2011 à l’Université de Nîmes à l’initiative des professeurs Alain Findeli et Georges Schambach, s’inscrit dans la logique de la maîtrise en Design & Complexité créée en 2001 à l’École de Design de l’Université de Montréal, dont l’objectif était de « développer ‘l’intelligence complexe’ en formant les candidat.e.s aux conditions, méthodes et exigences de la recherche scientifique et en améliorant leur capacité à affronter la complexité des enjeux, actuels et à venir, de la pratique du projet ». Parmi ces enjeux (technologiques, ergonomiques, environnementaux, politiques, esthétiques, économiques, éthiques, etc.), ce sont les enjeux sociaux, au sens large, que ses fondateurs ont souhaité privilégier à Nîmes, en associant à cette formation des partenaires « de l’action publique, du secteur médico-social, associatif, du développement territorial ou de la culture ». La nécessité d’une telle formation s’est imposée en particulier lors d’un atelier conduit en 2009 en 3ème année de licence en compagnie de Romain Thévenet qui venait de co-fonder la 27ème Région avec Stéphane Vincent; l’atelier se donnait pour objectif d’explorer des façons de rendre la ville de Nîmes plus hospitalière aux cyclistes, alors totalement négligés, et de faire des propositions dans ce sens. À l’évidence, une envergure bien plus large qu’un projet de trois mois de niveau licence s’avérait indispensable si l’on souhaitait se positionner de manière crédible et responsable sur de tels projets, d’où l’idée du master DIS, co-habilité avec l’École des Mines d’Alès.
Pour les futur.e.s designers qui se destinaient au design social, il s’agissait de s’extraire de l’espace domestique et du secteur privé, où ils et elles se tenaient traditionnellement confinés, pour s’engager dans l’espace public; il leur fallait donc acquérir des compétences et habiletés nouvelles (théoriques, méthodologiques, axiologiques, pratiques), ce que reflète la structure originale du curriculum structuré selon les grands domaines suivants : sciences de l’ingénieur, sciences humaines et sociales, communication, méthodologie du projet professionnel, méthodologie de la recherche scientifique.
Tout aussi original allait être le parti pédagogique devant permettre aux candidat.e.s de s’approprier ces compétences et habiletés :
– D’une part, notamment dans les années de démarrage, nous avons recruté à l’extérieur, y compris à l’international (Belgique, Suisse, Québec, Catalogne, Italie, Allemagne), les ressources compétentes et expertes pour conduire les cours, séminaires et ateliers, en nous assurant que les principes de l’apprentissage expérientiel et de la pédagogie par le projet – donc par le design – d’inspiration pragmaticienne (Dewey, Schön, Kolb), soient compris par les vacataires et figurent au centre des apprentissages.
– D’autre part, nous savions qu’il était indispensable d’aiguiser la sensibilité et les capacités d’observation, de caractérisation, d’appréciation, de jugement, de discernement, de réflexivité et d’intuition de nos étudiant.e.s à l’égard de la complexité des configurations systémiques des situations dans lesquelles s’engageaient leurs projets. Nous prenions au sérieux l’aphorisme bien connu de Moholy-Nagy (« Le design n’est pas une profession mais une attitude ») pour inciter les étudiant.e.s à la réflexivité en nous appuyant sur le principe suivant : « La valeur et la pertinence d’une intervention sur le monde extérieur, donc d’un projet de design, sont d’autant plus riches qu’est riche le monde intérieur des intervenants, donc des designers ». C’est dans cette perspective qu’étaient aménagées des activités inspirées de la phénoménologie goethéenne (couleurs, botanique, paysage, anthropologie), de la théorie U, de la dynamique du travail en groupes et de la cognition incarnée (embodied cognition), ainsi que des cours d’éthique et d’esthétique.
– Enfin, le stage de fin d’étude de six mois devait s’écarter du format habituel pour se constituer en un avant-projet de recherche scientifique se concluant par la rédaction d’un mémoire, tout en s’appuyant sur le projet professionnel confié aux stagiaires par le partenaire d’accueil : une recherche par le design conforme aux principes de la recherche-projet.
Le master DIS allait ainsi tout à la fois satisfaire les candidat.e.s souhaitant perfectionner leur formation professionnelle en les préparant à la pratique professionnelle du design social alors en émergence et préparer celles et ceux qui souhaiteraient se consacrer ensuite à une recherche doctorale.
Alain Findeli
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